AXE 5
Agronomie et service écosystémique de pollinisation entomophile

 

Animateurs
PORCHER Emmanuelle (Cesco, Paris) et ROLLIN Orianne (Univ. Lisbonne, Portugal)
Auparavant (2019-2020) :  VAISSIÈRE Bernard (INRA, Avignon) – SALLES Jean-Michel (Lameta, Montpellier)

 

État de l’art

La pollinisation entomophile intervient pour plus de 80% des espèces végétales cultivées en Europe (Williams 1994) et c’est certainement le service écosystémique le plus étudié et celui pour lequel les travaux pour en comprendre l’importance et la valeur économique apparaissent les plus nombreux et les plus aboutis (Free 1993 ; Roubik et al. 1995 ; Klein et al. 2007 ; Gallai et al. 2009 ; Winfree et al. 2011 ; Breeze et al. 2016 ; Potts et al. 2016). L’importance des insectes pollinisateurs pour la production agricole a été explorée systématiquement depuis longtemps (Mc Gregor 1976) et on dispose désormais d’une première appréciation des niveaux de dépendance des différentes cultures vis-à-vis des insectes pollinisateurs (Klein et al. 2007). Mais, ces résultats, obtenus avec des méthodes hétérogènes et dans des conditions parfois difficiles à comparer, ont pour la plupart été acquis sur des variétés anciennes de sorte qu’ils demandent aujourd’hui à être vérifiés car la dépendance aux insectes pollinisateurs n’est pas une donnée fixe pour une culture, mais elle peut varier dans de grandes proportions en fonction de la variété (Mesquida et al. 1990) et du mode de culture (Picken 1984). La question est évidemment sérieuse car un grand nombre de travaux ont validé dans de multiples régions le constat d’un déclin des insectes pollinisateurs (Biesmeijer et al. 2006 ; Potts et al. 2010 ; Cameron et al. 2011 ; Koh et al. 2016). De fait, l’absence de prise en compte des besoins en pollinisation entomophile des cultures peut réduire à néant les gains de production obtenus par l’amélioration génétique et la conduite de la culture (Deguines et al. 2014).

Ces dernières années, les questions scientifiques sur la pollinisation entomophile se sont centrées sur l’importance des insectes pollinisateurs sauvages, leur efficacité pollinisatrice et pourquoi celle-ci était plus élevée que celle des abeilles domestiques (Garibaldi et al. 2013, 2014, 2016). Par ailleurs, la question de l’interaction entre pollinisateurs sauvages et domestiqués reste posée, avec des cas de synergie sur des systèmes bien spécifiques comme les amandiers auto-incompatibles et la production de semences hybrides de tournesol avec des lignées mâles-stériles et mâles-fertiles (Greenleaf & Kremen 2006 ; Brittain et al. 2013) ou au contraire des cas d’interaction négative (Aizen et al. 2014 ; Lindström et al. 2016). Il est donc urgent de mieux comprendre le lien entre l’apport d’insectes domestiqués, en particulier les colonies d’abeilles domestiques, et le niveau de pollinisation (Garibaldi et al. 2016) ainsi que de travailler sur les aménagements agroécologiques et la conduite culturale en grandes cultures qui pourraient permettre de conserver une faune pollinisatrice sauvage abondante (Garibaldi et al. 2014 ; Kremen et al. 2015) y compris les caractéristiques intrinsèques des cultures (Thom et al. 2016). D’un point de vue agronomique, il est aussi important de déterminer la réponse d’une culture au niveau de pollinisation sur son rendement et la qualité de la production (souvent peu renseignée car peu étudiée), et comment les caractéristiques de la pollinisation interagissent avec les autres éléments de la conduite d’une culture afin de pouvoir optimiser la quantité et la qualité de la production tout en minimisant les intrants (Klein et al. 2015).

La notion de service écosystémique est clairement anthropocentrée et renvoie à l’utilité pour les sociétés humaines des avantages qu’elles retirent du fonctionnement des écosystèmes. La référence à l’utilité ouvre la voie vers une analyse économique des services écosystémiques en général et du service de pollinisation en particulier, du fait que le déclin observé des insectes pollinisateurs, implique que ce service pourrait devenir et, de fait, constitue déjà un facteur limitant de la production agricole à travers de nombreux pays du monde (Garibaldi et al. 2016). La nature de la relation fonctionnelle entre l’abondance et la diversité de la faune pollinisatrice d’une part et le rendement et la qualité des productions d’autre part reste à déterminer. On trouve ainsi des tentatives d’évaluation économique du service de pollinisation à l’agriculture. Si l’on suit la logique de la Common International Classification of Ecosystem Services (CICES), le service de pollinisation est à la fois un service de régulation qui concerne 80% de la flore cultivée et sauvage (Ollerton et al. 2011), et un service intermédiaire car les sociétés humaines ne bénéficient pas directement de la pollinisation, mais indirectement au travers de la production agricole et de la contribution de la flore sauvage entomophile à d’autres services finaux.

La méthode la plus largement utilisée pour évaluer économiquement le service de pollinisation consiste à lui attribuer la valeur de la production agricole qui lui est imputable à travers des coefficients de dépendance (Gallai et al. 2009). Le succès rencontré par cette technique s’explique par le fait qu’elle repose sur des données facilement mobilisables et qui permettent d’aboutir à des calculs simples à n’importe quelle échelle. Le même cadre conceptuel permet d’ailleurs d’estimer les pertes de bien-être liées à un déficit des pollinisateurs.

Le service de pollinisation a fait l’objet d’un groupe spécifique au sein de l’IPBES qui a été le premier à publier son rapport (Potts et al. 2016). On dispose donc d’un état de l’art assez exhaustif sur la situation à diverses échelles spatiales, les tendances, les menaces et les évaluations économiques ou sociétales. Plusieurs articles récents ont permis de diffuser ou prolonger ces réflexions (Breeze et al. 2016 ; Potts et al. 2016). Ils mettent en évidence que de multiples questions restent ouvertes et méritent des travaux systématiques.

 

Objectifs de l’axe 5

  • Au vu de l’état des connaissances sur les mécanismes et l’importance de la pollinisation entomophile pour la production agricole, plusieurs questions spécifiques peuvent être listées :
  • Mieux appréhender le niveau de dépendance des principales cultures vis-à-vis de la pollinisation entomophile et ses facteurs de variation.
  • Comprendre les interactions entre le niveau de pollinisation et les autres facteurs de conduite des cultures pour optimiser le rendement tout en minimisant les intrants.
  • Comprendre les interactions entre le service/processus de pollinisation et les autres services écosystémiques (e.g. lutte biologique) pour optimiser les actions de conservation (e.g. augmentation de la diversité végétale) dans les systèmes cultivés.
  • Étudier les mécanismes responsables de l’efficacité pollinisatrice plus élevée des insectes pollinisateurs sauvages par rapport aux abeilles domestiques.
  • Optimiser la pollinisation entomophile des cultures en mettant à profit les interactions entre insectes pollinisateurs domestiqués introduits et faune pollinisatrice sauvage.
  • Quel mode d’évaluation du service de pollinisation permettrait de mieux articuler les dynamiques d’offre et de demande de pollinisateurs ?
  • Comment estimer le service de pollinisation, à quelle échelle temporelle et spatiale, et comment assurer un suivi utile ?
  • Comment apprécier la sensibilité de la valeur du service de pollinisation aux situations de déficit de pollinisation qui commencent à être observés dans certaines régions ?

Les 5 axes

— Brèves —

  • Liste Rouge des abeilles sauvages de France métropolitaine : appel aux données

    C'est la dernière ligne droite pour la collecte des données concernant le projet de Liste Rouge des abeilles sauvages de France métropolitaine. Afin de finaliser ce projet, l'observatoire des abeilles et le MNHN ont besoin de données sur les Apoidea, comprenant les informations suivantes : Espèces, Date, Coordonnées GPS, Collecteur, Identificateur, Fleurs pollinisées (si possible).

    La date limite pour la soumission des données est fixée à la fin de l'année 2024, il vous reste donc un mois pour leur envoyer vos contributions afin qu'elles soient prises en compte pour la Liste Rouge.

    Si vous avez des données à partager ou des questions, n'hésitez pas à contacter Dominique Malécot à l'adresse suivante : observatoiredesabeillesbdd@gmail.com, ou bien Priscan Mahe à : prisca.mahe@mnhn.fr

     

  • Appel à candidatures d’experts pour la constitution du Comité Scientifique et Technique de la stratégie Écophyto 2030
    L’ANSES avec Le MET, l'INRAe et l’OFB lancent maintenant un « Appel à candidatures d’experts pour la constitution du Comité Scientifique et Technique de la stratégie Écophyto 2030 » Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le document suivant : https://www.inrae.fr/sites/default/files/cst_ecophyto_appel_a_candidatures_2024.pdf Date limite : 31/10/2024 avant minuit (heure de Paris)
  • Un demi-million de morts par an seraient attribuables au déclin des insectes pollinisateurs
    Des chercheurs de l’université Harvard ont modélisé l’impact du défaut de pollinisation sur la production agricole, les prix et les effets induits sur l’alimentation et la santé. Si les scientifiques chiffrent souvent en dollars les dégradations de l’environnement, leurs effets sanitaires, de fait, sont souvent bien plus difficiles à évaluer. Une équipe pilotée par l’université Harvard (Etats-Unis) s’est attelée à cet exercice délicat, s’agissant des effets de l’effondrement des insectes pollinisateurs. Publiés dans la dernière livraison de la revue Environmental Health Perspectives, en décembre 2022, ses résultats sont frappants : à l’échelle mondiale, l’impact alimentaire du défaut de pollinisation des cultures serait responsable de près d’un demi-million de morts prématurées par an. Un chiffre sans doute en deçà de la réalité, selon les auteurs. Ces derniers ont d’abord évalué, région par région, les effets de la chute des populations de pollinisateurs sauvages (bourdons, syrphes, papillons, etc.) sur la production agricole. « Leurs résultats indiquent que de 3 % à 5 % de la production de fruits, légumes et fruits à coque sont perdus en raison d’une pollinisation insuffisante », décrypte Josef Settele (Helmholtz Centre for Environmental Research de Halle, Allemagne), qui n’a pas participé à ces travaux. Des chiffres « tout à fait plausibles et même plutôt faibles, compte tenu de ce que l’on sait sur l’importance de la pollinisation ». Le chercheur allemand, qui a coprésidé le rapport mondial de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, salue « une très belle étude, qui intègre de grandes quantités de données dans un modèle transparent ». Les chercheurs ont ensuite modélisé l’effet de cette perte de production sur les prix, pays par pays, et l’effet induit sur la baisse de consommation de fruits et légumes. En utilisant les données les plus consensuelles de l’épidémiologie nutritionnelle, les auteurs sont parvenus à modéliser l’impact de la sous-consommation de ces produits sur la mortalité, et concluent à quelque 427 000 morts par an.

    Impacts inégalement distribués

    Or, comme le précise Matthew Smith (université Harvard), premier auteur de l’étude, les données utilisées pour estimer le défaut de pollinisation ont été collectées, sur les cinq continents, entre 2010 et 2014. « Depuis, la plupart des pressions causant des pertes de pollinisateurs sauvages ont continué ou se sont aggravées au niveau mondial, dit-il. Cela suggère que l’insuffisance de la pollinisation sauvage a aujourd’hui sur le rendement des cultures un effet plus important encore que nous ne l’avons estimé dans nos travaux. » Les impacts sont inégalement distribués. « La perte de production agricole est concentrée dans les pays à faible revenu, dit M. Settele, tandis que les impacts sur la consommation alimentaire et sur la mortalité attribuables à une pollinisation insuffisante sont plus importants dans les pays à revenu moyen et élevé, où les taux de maladies non transmissibles [cancers, maladies cardiovasculaires, etc.] sont plus élevés. » En clair, les auteurs montrent qu’« une part importante du fardeau sanitaire lié à la consommation insuffisante des aliments les plus sains est liée à des dommages que nous infligeons à notre environnement », ajoute M. Settele. Comment arbitrer entre les pertes de rendement par réduction des pesticides et celles qui sont induites par l’effondrement des pollinisateurs ? « L’agriculture conventionnelle a de nombreuses conséquences involontaires sur l’environnement : émissions considérables de gaz à effet de serre, pollution des sols et des cours d’eau, épuisement de ressources limitées comme les minéraux pour les engrais et l’eau douce pour l’irrigation, et c’est le principal facteur de perte de biodiversité au niveau mondial, répond M. Smith. Au contraire, favoriser les pollinisateurs sauvages pour augmenter le rendement des cultures n’a aucun dommage collatéral sur l’environnement. » Stéphane Foucart https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/20/un-demi-million-de-morts-par-an-seraient-attribuables-au-declin-des-insectes-pollinisateurs_6158647_3244.html Lien vers article https://doi.org/10.1289/EHP10947  Matthew R. Smith,Nathaniel D. Mueller, Marco Springmann, Timothy B. Sulser, Lucas A. Garibaldi, James Gerber, Keith Wiebe, and Samuel S. Myers 2022 Pollinator Deficits, Food Consumption, and Consequences for Human Health: A Modeling Study. Environmental Health Perspectives Volume 130, Issue 12
  • Prolongation autorisation néonicotinoïdes sur les betteraves
    Vous êtes d'accord avec l'usage des néonicotinoïdes sur les betteraves sucrières ? Vous voulez donner votre avis? Une consultation publique est en cours jusqu’au 24 janvier : https://formulaires.agriculture.gouv.fr/index.php/646927

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