AXE 3
Réseaux d’interaction plantes-pollinisateurs
Animateurs
FONTAINE Colin (Cesco, Paris) – MASSOL François (EEP, Lille)
État de l’art
Les communautés plantes-pollinisateurs sont composées d’une grande diversité d’organismes formant des systèmes complexes d’interdépendance entre espèces (Jordano 1987). Depuis une quinzaine d’années, l’emploi du cadre d’analyse des réseaux d’interactions a permis d’étudier ces systèmes de façon systématique en tirant parti des méthodes d’analyse de réseaux, un champ multidisciplinaire issu de la théorie des graphes et connaissant actuellement un fort développement, tant théorique qu’appliqué (Wasserman & Faust 1994 ; Cohen et al. 2000 ; Albert & Barabasi 2002 ; Newman 2010). Dans ces approches, les espèces sont modélisées comme des nœuds et les interactions entre espèces par des liens entre les nœuds. Leur utilisation a permis de mettre en évidence que l’architecture des réseaux d’interactions liant les plantes à leurs butineurs présente des particularités, comme un fort généralisme et une faible modularité, que l’on retrouve dans d’autres réseaux d’interactions mutualistes mais pas dans les réseaux antagonistes : par exemple, un fort généralisme ou une faible modularité (e.g. Bascompte et al. 2003 ; Fontaine et al. 2009).
Les pollinisateurs sont en déclin dans le monde entier (Potts et al. 2010) et cela soulève des inquiétudes quant à la fonction et au service de pollinisation qu’ils fournissent aux plantes sauvages et aux cultures (Fontaine et al. 2005 ; Biesmeijer et al. 2006 ; Klein et al. 2007 ; Garibaldi et al. 2013 ; Gill et al. 2016). Les principales causes sont liées à l’activité humaine : perte d’habitat, utilisation de pesticides, introduction d’espèces exotiques, propagation d’agents pathogènes et changement climatique (Potts et al. 2010). Ces perturbations peuvent affecter les espèces directement, selon leurs besoins en termes d’habitat et/ou conditions climatiques, conduisant à des extinctions et des colonisations. Les perturbations peuvent également avoir un effet indirect via les interactions entre espèces. Par exemple, un changement climatique peut induire des extinctions via des décalages de phénologies entre plantes et pollinisateurs compromettant la réalisation d’interactions cruciales pour leur maintien (Memmott et al. 2007). De même les extinctions et colonisations locales d’espèces peuvent induire secondairement des extinctions via la disparition ou la modification des interactions entre espèces (Memmott et al. 2004 ; Pocock et al. 2012 ; Astegiano et al. 2015). La propagation de telles perturbations dépend fortement de l’organisation des interactions entre espèces au sein des communautés (Thébault & Fontaine 2010 ; Allesina & Tang 2012 ; Suweis et al. 2013 ; Rohr et al. 2014) et de la plasticité des interactions au sein des réseaux (CaraDonna et al. in press).
S’il est important de prendre en compte l’organisation des interactions entre espèces pour comprendre la réponse des communautés aux perturbations, il est également nécessaire de connaître les processus à l’origine de cette architecture (Bastolla et al. 2009 ; Bascompte 2010 ; Borrelli et al. 2015). Ces processus peuvent être appréhendés au travers des mécanismes proximaux et distaux impliqués. Par exemple, certains traits sont impliqués dans l’établissement des interactions entre plantes et pollinisateurs, comme la morphologie florale et celle des pièces buccales des insectes (Stang et al. et 2009), les composés olfactifs des fleurs (Junker et al. 2010), ou bien la phénologie des espèces (Olesen et al. 2008). Ces approches apportent un éclairage fonctionnel sur les réseaux plantes-pollinisateurs. De même, les interactions entre plantes et pollinisateurs tendent à être conservées au cours de l’histoire évolutive (Rezende et al. 2007), illustrant ainsi le rôle des mécanismes évolutifs dans la structuration des réseaux de pollinisation.
Objectifs de l’axe 3
Au cours des dix dernières années, l’étude des communautés plantes-pollinisateurs par des approches de réseaux d’interactions a connu un fort développement théorique, expérimental et observationnel. L’utilisation et le développement des approches « réseaux » sont des enjeux centraux pour comprendre l’écologie évolutive de la pollinisation. En effet, ces approches permettent de considérer à la fois les causes proximales et distales à l’origine des interactions entre plantes et pollinisateurs, mais aussi d’appréhender les conséquences des interactions de pollinisation à l’échelle des communautés et des écosystèmes. Il nous semble important de développer une instance de discussion active sur les méthodes et questions autour des réseaux de pollinisation car les méthodes développées dans les autres disciplines doivent pouvoir nourrir celles utilisées en écologie et l’étude des réseaux de pollinisation doit pouvoir s’intégrer dans des programmes de recherche fondamentale et appliquée.
Au sein du GDR POLLINÉCO, cet axe sera animé en vue de stimuler l’étude de thèmes de recherche perçus comme des fronts de science dans ce domaine, tels que :
- la variabilité spatio-temporelle des réseaux d’interactions, la plasticité des réseaux et l’adaptation locale des plantes et pollinisateurs à différents partenaires ;
- les réseaux de pollinisation comme lien entre service et fonction de pollinisation, ou comment faune et flore sauvage sous-tendent la provision du service de pollinisation ;
- la compréhension des causes et conséquences de la coévolution au sein des réseaux plantes-pollinisateurs ;
- l’étude des réseaux d’interaction multiplexes, faisant intervenir à la fois la pollinisation et d’autres interactions comme l’herbivorie ou la compétition ;
- l’adaptation des méthodes d’études des réseaux issues d’autres disciplines en vue, notamment, de comprendre la structure des réseaux, les manières d’en résumer l’information et les approches de modélisation permettant de progresser vers une approche hypothético-déductive du fonctionnement des réseaux de pollinisation.
Les 5 axes
— Brèves —
- Un demi-million de morts par an seraient attribuables au déclin des insectes pollinisateursDes chercheurs de l’université Harvard ont modélisé l’impact du défaut de pollinisation sur la production agricole, les prix et les effets induits sur l’alimentation et la santé. Si les scientifiques chiffrent souvent en dollars les dégradations de l’environnement, leurs effets sanitaires, de fait, sont souvent bien plus difficiles à évaluer. Une équipe pilotée par l’université Harvard (Etats-Unis) s’est attelée à cet exercice délicat, s’agissant des effets de l’effondrement des insectes pollinisateurs. Publiés dans la dernière livraison de la revue Environmental Health Perspectives, en décembre 2022, ses résultats sont frappants : à l’échelle mondiale, l’impact alimentaire du défaut de pollinisation des cultures serait responsable de près d’un demi-million de morts prématurées par an. Un chiffre sans doute en deçà de la réalité, selon les auteurs. Ces derniers ont d’abord évalué, région par région, les effets de la chute des populations de pollinisateurs sauvages (bourdons, syrphes, papillons, etc.) sur la production agricole. « Leurs résultats indiquent que de 3 % à 5 % de la production de fruits, légumes et fruits à coque sont perdus en raison d’une pollinisation insuffisante », décrypte Josef Settele (Helmholtz Centre for Environmental Research de Halle, Allemagne), qui n’a pas participé à ces travaux. Des chiffres « tout à fait plausibles et même plutôt faibles, compte tenu de ce que l’on sait sur l’importance de la pollinisation ». Le chercheur allemand, qui a coprésidé le rapport mondial de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, salue « une très belle étude, qui intègre de grandes quantités de données dans un modèle transparent ». Les chercheurs ont ensuite modélisé l’effet de cette perte de production sur les prix, pays par pays, et l’effet induit sur la baisse de consommation de fruits et légumes. En utilisant les données les plus consensuelles de l’épidémiologie nutritionnelle, les auteurs sont parvenus à modéliser l’impact de la sous-consommation de ces produits sur la mortalité, et concluent à quelque 427 000 morts par an.
Impacts inégalement distribués
Or, comme le précise Matthew Smith (université Harvard), premier auteur de l’étude, les données utilisées pour estimer le défaut de pollinisation ont été collectées, sur les cinq continents, entre 2010 et 2014. « Depuis, la plupart des pressions causant des pertes de pollinisateurs sauvages ont continué ou se sont aggravées au niveau mondial, dit-il. Cela suggère que l’insuffisance de la pollinisation sauvage a aujourd’hui sur le rendement des cultures un effet plus important encore que nous ne l’avons estimé dans nos travaux. » Les impacts sont inégalement distribués. « La perte de production agricole est concentrée dans les pays à faible revenu, dit M. Settele, tandis que les impacts sur la consommation alimentaire et sur la mortalité attribuables à une pollinisation insuffisante sont plus importants dans les pays à revenu moyen et élevé, où les taux de maladies non transmissibles [cancers, maladies cardiovasculaires, etc.] sont plus élevés. » En clair, les auteurs montrent qu’« une part importante du fardeau sanitaire lié à la consommation insuffisante des aliments les plus sains est liée à des dommages que nous infligeons à notre environnement », ajoute M. Settele. Comment arbitrer entre les pertes de rendement par réduction des pesticides et celles qui sont induites par l’effondrement des pollinisateurs ? « L’agriculture conventionnelle a de nombreuses conséquences involontaires sur l’environnement : émissions considérables de gaz à effet de serre, pollution des sols et des cours d’eau, épuisement de ressources limitées comme les minéraux pour les engrais et l’eau douce pour l’irrigation, et c’est le principal facteur de perte de biodiversité au niveau mondial, répond M. Smith. Au contraire, favoriser les pollinisateurs sauvages pour augmenter le rendement des cultures n’a aucun dommage collatéral sur l’environnement. » Stéphane Foucart https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/20/un-demi-million-de-morts-par-an-seraient-attribuables-au-declin-des-insectes-pollinisateurs_6158647_3244.html Lien vers article https://doi.org/10.1289/EHP10947 Matthew R. Smith,Nathaniel D. Mueller, Marco Springmann, Timothy B. Sulser, Lucas A. Garibaldi, James Gerber, Keith Wiebe, and Samuel S. Myers 2022 Pollinator Deficits, Food Consumption, and Consequences for Human Health: A Modeling Study. Environmental Health Perspectives Volume 130, Issue 12 - Prolongation autorisation néonicotinoïdes sur les betteravesVous êtes d'accord avec l'usage des néonicotinoïdes sur les betteraves sucrières ? Vous voulez donner votre avis? Une consultation publique est en cours jusqu’au 24 janvier : https://formulaires.agriculture.gouv.fr/index.php/646927
- Appel à candidats pour MCU IEES ParisVoici l'annonce pour l'ouverture d'un poste MCU intitulé "Ecologie et évolution des réseaux d'interactions mutualistes" dans la section 67 du CNU (Biologie des populations et écologie). Contact Isabelle Dajoz MAITRE DE CONFERENCES REJOINDRE UNIVERSITÉ PARIS CITÉ Ancrée au cœur de la capitale, Université Paris Cité figure parmi les établissements français et internationaux les plus prestigieux grâce à sa recherche de très haut niveau, ses formations supérieures d’excellence, son soutien à l’innovation et sa participation active à la construction de l’espace européen de la recherche et de la formation. Labellisée Idex depuis mars 2018, Université Paris Cité s’appuie sur ses enseignants, ses chercheurs, ses enseignants-chercheurs, ses personnels administratifs et techniques, ses étudiants, pour développer des projets scientifiques à forte valeur ajoutée, et former les hommes et les femmes dont le monde de demain a besoin. Des sciences exactes et expérimentales aux sciences humaines et sociales, en passant par la santé, Université Paris Cité a fait de l’interdisciplinarité un marqueur fort de son identité. Elle compte aujourd’hui 64 000 étudiants, 7 500 personnels, 138 laboratoires, répartis au sein de ses trois grandes Facultés en Santé, Sciences et Société et Humanités et de l’institut de physique du globe de Paris. Rejoindre Université Paris Cité c’est faire le choix de l’exigence et de l’engagement au service de valeurs fortes ; celles du service public, de la rigueur scientifique et intellectuelle mais aussi de la curiosité et de l’ouverture aux autres et au monde.
RÉFÉRENCE GALAXIE PROFIL DU POSTE MCU - Ecologie et évolution des réseaux d’interactions mutualistes SECTION(S) CNU 6700 - Biologie des populations et écologie LOCALISATION Campus Grands Moulins AFFECTATION STRUCTURELLE UFR des Sciences du Vivant (SDV) LABORATOIRE(S) UM 113 Institut d'Ecologie et des Sciences de l'Environnement de Paris (IEES) DATE DE PRISE DE FONCTION 01/09/2023 MOTS-CLÉS Écologie Interactions Écologie des communautés Environnement JOB PROFILE Ecology and evolution of networks of mutualistic interactions RESEARCH FIELDS EURAXESS Biological sciences ZONE À RÉGIME RESTRICTIF (ZRR) NON VACANT / SUSCEPTIBLE D’ÊTRE VACANT Audition publique NON Mise en situation NON Leçon – préciser (durée, modalités) non Présentation des travaux de recherche – préciser (durée, modalités) Présentation : 10 min Questions et échanges avec le jury : 10 min Séminaire – préciser (durée, modalités) non Toutes les informations relatives aux modalités de candidature et aux comités de sélection sont disponibles sur le site Internet d’Université Paris Cité. - un vaccin pour les abeilles domestiques ?ça vous dit un vaccin pour les abeilles domestiques ? Bonne lecture https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/04/honeybee-vaccine-first-approved
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