AXE 2
Diversité et écologie des pollinisateurs
Animateurs
GESLIN Benoit (Univ. Aix-Marseille) – MICHEZ Denis (Univ. Mons, Belgique)
État de l’art
Dans l’imaginaire collectif, la notion de pollinisateur est souvent associée à la seule abeille domestique, Apis mellifera (L.). Pourtant, dans le monde, on recense plus de 300 000 espèces animales ayant un rôle majeur dans la pollinisation des plantes à fleurs. Parmi ces espèces, on trouve des mammifères comme certaines chauves-souris, des lézards (Olensen & Valido 2003), des oiseaux (Feinsinger & Murray 1986), mais la plupart de ces espèces sont des insectes. Plus précisément, on trouve la majorité des pollinisateurs dans quatre grands ordres, les Lépidoptères, les Coléoptères, les Diptères et les Hyménoptères (Ollerton et al. 2011, Rader et al. 2016). L’activité pollinisatrice générale des coléoptères est bien connue chez les arums (Chartier et al. 2014) et les orchidées (Schatz 2006 ; Schiestl & Johnson 2013) mais également chez plusieurs espèces cultivées (arbres fruitiers, fraisier, luzerne…) (Mawdsley 2003). Pour les diptères, ce sont surtout les syrphes (avec environ 500 espèces en France (Sarthou & Spreight 2005), souvent mimétiques des abeilles) qui ont une activité pollinisatrice loin d’être négligeable (Elberling & Olensen 1999 ; Kearns 2001 ; Lebfevre et al. 2014). L’implication des papillons comme pollinisateurs est souvent associée à une adaptation morphologique chez la plante (présence d’un long éperon) comme chez plusieurs orchidées (Johnson et al. 1998 ; Schiestl & Johnson 2013). Cependant, ce sont les abeilles, sensu lato du clade des Apoïdes Apiformes, qui sont les pollinisateurs majeurs en termes de nombre d’espèces et d’efficacité pour la plupart des plantes sauvages et cultivées dans les écosystèmes tempérés et méditerranéens en général, et en France en particulier (Willmer 2011 ; Winfree et al. 2011 ; Kleijn et al. 2016). Les abeilles forment un groupe monophylétique vieux de ~100-120 millions d’années (Danforth et al. 2013) et il existerait aujourd’hui entre 17 et 25 000 espèces d’abeilles dans le monde (Michener 2007). La récente liste rouge des abeilles européennes (UICN – Nieto et al. 2014) fait état de 1 965 espèces sur le continent européen dont 9.2% sont en risque d’extinction. Rasmont et al. (1995) ont publié une liste de la région francophone d’Europe Occidentale et y recensaient 913 espèces ; les dernières estimations portent la diversité d’abeilles sur le seul territoire français métropolitain à plus de 975 espèces (Observatoire des abeilles, communication personnelle), leur statut en termes de risque d’extinction n’étant pas connu.
Contrairement aux autres insectes pollinisateurs comme les syrphes, les abeilles sont des phytophages strictes du stade larvaire à l’imago. Les adultes collectent du nectar et du pollen pour eux-mêmes et pour leurs larves et exceptionnellement de l’huile chez certaines espèces (ex. Macropis). Elles sont donc très sensibles aux changements dans les communautés de plantes liés aux pressions anthropiques. Les abeilles présentent un continuum de spécialisation alimentaire, de très spécialistes, limitant leur butinage à quelques espèces de plantes taxonomiquement proches (oligolectisme), à très généralistes voire opportunistes dans leurs choix floraux (polylectisme). En zone tempérée, la majorité des abeilles sont solitaires, c’est-à-dire que la femelle nourrit seule son couvain et ne rentre en interaction avec d’autres individus de son espèce qu’au moment de l’accouplement. Il existe néanmoins un continuum de comportements sociaux depuis la pseudo-socialité et l’agrégation des femelles en nichoir chez certaines espèces d’Halictidae jusqu’à l’eusocialité vraie chez les abeilles domestiques et les bourdons. Enfin, les espèces cleptoparasites (abeilles coucou) sont très communes chez les abeilles sauvages pouvant, lorsque la communauté est bien structurée, atteindre 30% des espèces d’une communauté. La majorité des espèces d’abeilles nichent dans le sol (environ 75% en France), le reste nichant dans des cavités (bois, tiges creuses, murs) ou même, dans le cas des espèces hélicophiles, dans des coquilles d’escargots.
Objectifs de l’axe 2
“If we do not know where bee species live, and how abundant they are, it is almost impossible to measure decline and generate prioritised and meaningful conservation strategies” Brown & Paxton (2009). Ces auteurs illustraient ici une des principales problématiques relatives à la connaissance et la conservation de la biodiversité d’abeilles sauvages. En effet, bien que le déclin des pollinisateurs à l’échelle mondiale soit de mieux en mieux documenté – 9.2% des espèces seraient menacées d’extinction à l’échelle européenne –, pour la majorité des espèces d’abeilles nous sommes à ce jour simplement incapables de préciser leur aire de répartition, l’état de leurs populations, leurs caractéristiques écologiques ou même les plantes avec lesquelles elles interagissent. Ainsi, pour presque 60% des espèces de la liste rouge, les connaissances scientifiques ne sont pas suffisantes pour statuer sur leur état de conservation, et particulièrement pour les espèces distribuées dans le Sud de l’Europe.
Au vu de ces manques dans nos connaissances, le GDR aura pour objectif de stimuler les thèmes de recherches suivants :
- taxonomie des pollinisateurs pour développer des collections de référence, des marqueurs (morphologiques, chimiques, génétiques) qui permettront de mieux associer les spécimens capturés sur le terrain aux espèces décrites ;
- distribution des pollinisateurs pour préciser les zones géographiques, les habitats dans lesquels les pollinisateurs sont présents ;
- écologie des pollinisateurs pour déterminer les plantes utilisées comme ressources (nectar, pollen, site de production…) et pour détecter les traits morphologiques/physiologiques/neurologiques associés aux interactions avec les plantes hôtes ;
- modélisation de la (co)évolution des traits des pollinisateurs sur la base des données expérimentales récoltées, pour confirmer dans quelles conditions un trait particulier est favorisé par la pression sélective des plantes.
L’écologie des insectes pollinisateurs est souvent négligée dans les travaux sur la pollinisation. Nous veillerons à ce que chacune de ces thématiques puisse alimenter les autres axes du GDR en données fondamentales et opérationnelles.
Les 5 axes
— Brèves —
- Un demi-million de morts par an seraient attribuables au déclin des insectes pollinisateursDes chercheurs de l’université Harvard ont modélisé l’impact du défaut de pollinisation sur la production agricole, les prix et les effets induits sur l’alimentation et la santé. Si les scientifiques chiffrent souvent en dollars les dégradations de l’environnement, leurs effets sanitaires, de fait, sont souvent bien plus difficiles à évaluer. Une équipe pilotée par l’université Harvard (Etats-Unis) s’est attelée à cet exercice délicat, s’agissant des effets de l’effondrement des insectes pollinisateurs. Publiés dans la dernière livraison de la revue Environmental Health Perspectives, en décembre 2022, ses résultats sont frappants : à l’échelle mondiale, l’impact alimentaire du défaut de pollinisation des cultures serait responsable de près d’un demi-million de morts prématurées par an. Un chiffre sans doute en deçà de la réalité, selon les auteurs. Ces derniers ont d’abord évalué, région par région, les effets de la chute des populations de pollinisateurs sauvages (bourdons, syrphes, papillons, etc.) sur la production agricole. « Leurs résultats indiquent que de 3 % à 5 % de la production de fruits, légumes et fruits à coque sont perdus en raison d’une pollinisation insuffisante », décrypte Josef Settele (Helmholtz Centre for Environmental Research de Halle, Allemagne), qui n’a pas participé à ces travaux. Des chiffres « tout à fait plausibles et même plutôt faibles, compte tenu de ce que l’on sait sur l’importance de la pollinisation ». Le chercheur allemand, qui a coprésidé le rapport mondial de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, salue « une très belle étude, qui intègre de grandes quantités de données dans un modèle transparent ». Les chercheurs ont ensuite modélisé l’effet de cette perte de production sur les prix, pays par pays, et l’effet induit sur la baisse de consommation de fruits et légumes. En utilisant les données les plus consensuelles de l’épidémiologie nutritionnelle, les auteurs sont parvenus à modéliser l’impact de la sous-consommation de ces produits sur la mortalité, et concluent à quelque 427 000 morts par an.
Impacts inégalement distribués
Or, comme le précise Matthew Smith (université Harvard), premier auteur de l’étude, les données utilisées pour estimer le défaut de pollinisation ont été collectées, sur les cinq continents, entre 2010 et 2014. « Depuis, la plupart des pressions causant des pertes de pollinisateurs sauvages ont continué ou se sont aggravées au niveau mondial, dit-il. Cela suggère que l’insuffisance de la pollinisation sauvage a aujourd’hui sur le rendement des cultures un effet plus important encore que nous ne l’avons estimé dans nos travaux. » Les impacts sont inégalement distribués. « La perte de production agricole est concentrée dans les pays à faible revenu, dit M. Settele, tandis que les impacts sur la consommation alimentaire et sur la mortalité attribuables à une pollinisation insuffisante sont plus importants dans les pays à revenu moyen et élevé, où les taux de maladies non transmissibles [cancers, maladies cardiovasculaires, etc.] sont plus élevés. » En clair, les auteurs montrent qu’« une part importante du fardeau sanitaire lié à la consommation insuffisante des aliments les plus sains est liée à des dommages que nous infligeons à notre environnement », ajoute M. Settele. Comment arbitrer entre les pertes de rendement par réduction des pesticides et celles qui sont induites par l’effondrement des pollinisateurs ? « L’agriculture conventionnelle a de nombreuses conséquences involontaires sur l’environnement : émissions considérables de gaz à effet de serre, pollution des sols et des cours d’eau, épuisement de ressources limitées comme les minéraux pour les engrais et l’eau douce pour l’irrigation, et c’est le principal facteur de perte de biodiversité au niveau mondial, répond M. Smith. Au contraire, favoriser les pollinisateurs sauvages pour augmenter le rendement des cultures n’a aucun dommage collatéral sur l’environnement. » Stéphane Foucart https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/20/un-demi-million-de-morts-par-an-seraient-attribuables-au-declin-des-insectes-pollinisateurs_6158647_3244.html Lien vers article https://doi.org/10.1289/EHP10947 Matthew R. Smith,Nathaniel D. Mueller, Marco Springmann, Timothy B. Sulser, Lucas A. Garibaldi, James Gerber, Keith Wiebe, and Samuel S. Myers 2022 Pollinator Deficits, Food Consumption, and Consequences for Human Health: A Modeling Study. Environmental Health Perspectives Volume 130, Issue 12 - Prolongation autorisation néonicotinoïdes sur les betteravesVous êtes d'accord avec l'usage des néonicotinoïdes sur les betteraves sucrières ? Vous voulez donner votre avis? Une consultation publique est en cours jusqu’au 24 janvier : https://formulaires.agriculture.gouv.fr/index.php/646927
- Appel à candidats pour MCU IEES ParisVoici l'annonce pour l'ouverture d'un poste MCU intitulé "Ecologie et évolution des réseaux d'interactions mutualistes" dans la section 67 du CNU (Biologie des populations et écologie). Contact Isabelle Dajoz MAITRE DE CONFERENCES REJOINDRE UNIVERSITÉ PARIS CITÉ Ancrée au cœur de la capitale, Université Paris Cité figure parmi les établissements français et internationaux les plus prestigieux grâce à sa recherche de très haut niveau, ses formations supérieures d’excellence, son soutien à l’innovation et sa participation active à la construction de l’espace européen de la recherche et de la formation. Labellisée Idex depuis mars 2018, Université Paris Cité s’appuie sur ses enseignants, ses chercheurs, ses enseignants-chercheurs, ses personnels administratifs et techniques, ses étudiants, pour développer des projets scientifiques à forte valeur ajoutée, et former les hommes et les femmes dont le monde de demain a besoin. Des sciences exactes et expérimentales aux sciences humaines et sociales, en passant par la santé, Université Paris Cité a fait de l’interdisciplinarité un marqueur fort de son identité. Elle compte aujourd’hui 64 000 étudiants, 7 500 personnels, 138 laboratoires, répartis au sein de ses trois grandes Facultés en Santé, Sciences et Société et Humanités et de l’institut de physique du globe de Paris. Rejoindre Université Paris Cité c’est faire le choix de l’exigence et de l’engagement au service de valeurs fortes ; celles du service public, de la rigueur scientifique et intellectuelle mais aussi de la curiosité et de l’ouverture aux autres et au monde.
RÉFÉRENCE GALAXIE PROFIL DU POSTE MCU - Ecologie et évolution des réseaux d’interactions mutualistes SECTION(S) CNU 6700 - Biologie des populations et écologie LOCALISATION Campus Grands Moulins AFFECTATION STRUCTURELLE UFR des Sciences du Vivant (SDV) LABORATOIRE(S) UM 113 Institut d'Ecologie et des Sciences de l'Environnement de Paris (IEES) DATE DE PRISE DE FONCTION 01/09/2023 MOTS-CLÉS Écologie Interactions Écologie des communautés Environnement JOB PROFILE Ecology and evolution of networks of mutualistic interactions RESEARCH FIELDS EURAXESS Biological sciences ZONE À RÉGIME RESTRICTIF (ZRR) NON VACANT / SUSCEPTIBLE D’ÊTRE VACANT Audition publique NON Mise en situation NON Leçon – préciser (durée, modalités) non Présentation des travaux de recherche – préciser (durée, modalités) Présentation : 10 min Questions et échanges avec le jury : 10 min Séminaire – préciser (durée, modalités) non Toutes les informations relatives aux modalités de candidature et aux comités de sélection sont disponibles sur le site Internet d’Université Paris Cité. - un vaccin pour les abeilles domestiques ?ça vous dit un vaccin pour les abeilles domestiques ? Bonne lecture https://www.theguardian.com/environment/2023/jan/04/honeybee-vaccine-first-approved
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