AXE 1
Traits floraux et stratégies de pollinisation

 

Animateurs

DUFAŸ Mathilde (CEFE, Montpellier) – GIBERNAU Marc (Univ. de Corse)

État de l’art

D’après les traces fossiles, la pollinisation des plantes se serait mise en place 60 Ma avant l’apparition des plantes à fleurs. Des fossiles de mouches-scorpions (Panorpidées), datant de 200 Ma, ont été découverts pollinisant des cônes de gymnospermes montrant déjà des adaptations pour l’attraction des insectes. Les plantes à fleurs sont ainsi apparues alors que des insectes visitant les structures reproductrices des plantes existaient déjà dans l’environnement. Le plus vieux pollinisateur fossile décrit à ce jour est un thrips, couvert du pollen de Ginkgo, daté de 105-110 Ma (Peñalver et al. 2012). La coévolution plantes-insectes pollinisateurs serait à l’origine du grand succès évolutif des plantes à fleurs qui dominent actuellement les écosystèmes végétaux mais aussi à l’origine de la grande diversité des insectes. Près de 85% des plantes à fleurs sont pollinisées (au moins en partie) par des animaux, le transfert du pollen par le vent (anémophilie) ou l’eau (hydrophilie) étant plus rare (Willmer 2011). Pour attirer les pollinisateurs, la fleur développe des stimuli attractifs (couleur, odeur, forme) et produit des récompenses (principalement nutritives mais parfois aussi reproductives). La plupart des pollinisateurs sont en quête de nourriture (nectar et/ou pollen), certains pollinisateurs se nourrissant exclusivement de nectar et de pollen durant leur stade adulte. Par ailleurs, ces traits d’attractivité peuvent varier au sein des populations et certains sont sensibles aux conditions biotiques (diversité de la communauté de plantes : Partzsch, & Bachmann, 2010, Flacher et al, 2015) et abiotiques (fertilité du sol : Burkle & Irwin 2009, 2010).

Les syndromes de pollinisation, un concept à revisiter ?

Il existe environ 260 000 espèces d’angiospermes décrites à l’heure actuelle et plus de 130 000 espèces d’animaux visitent leurs fleurs (une large majorité d’insectes dont 25 000 espèces d’abeilles). Historiquement, les botanistes ont classé les espèces de plantes de différents niveaux taxonomiques selon des types floraux appelés syndromes de pollinisation, caractérisés par un ensemble de caractères floraux adaptés à l’attraction et la visite par un type similaire de pollinisateur. Cette convergence de traits floraux entre espèces différentes implique que le facteur principal de l’évolution des fleurs est la sélection exercée par l’insecte pollinisateur le plus abondant et/ou le plus efficace. On sait aujourd’hui que la situation n’est pas aussi tranchée. Des études récentes ont notamment montré que le mode de pollinisation supposé (déduit à partir du syndrome de pollinisation) ne correspondait pas forcément au mode de pollinisation réalisé (e.g. Gimenez-Benavides et al. 2007 ; Lemaitre et al. 2014 ; Prieto-Benitez et al. 2015). Ces résultats suggèrent qu’il n’est pas aisé de faire le lien entre le pollinisateur principal et les traits floraux exprimés par la plante associée. En effet, de nombreux aspects doivent être pris en compte pour pouvoir déterminer quels caractères attirent les pollinisateurs et, en retour, dans quelle mesure les pollinisateurs représentent une pression de sélection sur ces traits floraux. Il y a en effet encore relativement peu de données sur les caractères précis qui attirent les insectes et sur les effets de ces traits sur le succès reproducteur des plantes (élément indispensable pour pouvoir déterminer les pressions de sélection médiées par les pollinisateurs). D’autre part, les interactions entre plantes et pollinisateurs peuvent être plus conflictuelles, comme l’illustrent les nombreux cas de pollinisation par duperie (interaction qui bénéficie à la plante alors que l’insecte n’obtient pas la ressource recherchée ; Renner 2006 ; Ellis & Johnson 2010) et les systèmes où le pollinisateur induit un coût important à la plante (consommation ou vol de nectar, destruction de tissus, parasitisme des fruits). De plus, pour comprendre l’impact et l’évolution des traits floraux, il est absolument nécessaire de prendre en compte leur impact sur les espèces antagonistes (phytophages, florivores, parasites) qui les utilisent également comme signaux pour localiser les plantes. Peu de choses sont connues sur ces effets potentiellement négatifs des traits floraux sur les antagonistes et cela ralentit indubitablement la compréhension de leur fonctionnalité (souvent divergente de la pollinisation) et de leur évolution (pas simplement directionnelle).

Objectifs de l’axe 1

Notre objectif principal est d’améliorer les connaissances sur cet aspect fondamental des interactions de pollinisation, en intégrant des approches d’écologie et d’évolution. La compréhension des stratégies de pollinisation et du lien entre les caractères floraux et le mode de pollinisation réalisé constitue en effet un socle pour l’ensemble des travaux plus appliqués, et/ou à l’échelle de l’écosystème sur la pollinisation. Un des intérêts de répondre à de telles questions à travers un GDR est qu’il sera possible de mutualiser des approches méthodologiques différentes et surtout de pouvoir intégrer des études portant sur les nombreux traits floraux impliqués dans l’attraction des pollinisateurs. Tandis que la majorité des études se focalisent naturellement sur un type de traits (morphologie, couleur, odeur, période de floraison, affichage floral), la synthèse de ces différents travaux permettra d’acquérir une vision globale et intégrative des stratégies florales de pollinisation.

Plus précisément, le GDR aura pour objectif, dans ce premier axe, de stimuler les thèmes de recherches suivants :

  1. caractérisation des variations intra-spécifiques des traits floraux au sein et entre populations naturelles, en lien avec les conditions biotiques et abiotiques ;
  2. détermination des (combinaison de) traits précis, dits biologiquement actifs, impliqués dans l’attraction ou le comportement des pollinisateurs (composés volatils, rayonnement UV, morphologie…) ;
  3. intégration du rôle des insectes antagonistes, au même titre que les pollinisateurs, dans l’étude des traits floraux ;
  4. analyse des pressions de sélection auxquelles sont soumis les traits floraux, via des approches de gradients de sélection ;
  5. modélisation de la (co)évolution des traits des plantes sur la base des données expérimentales récoltées, pour confirmer dans quelles conditions un trait particulier est favorisé par la pression sélective exercée par les pollinisateurs.

Chacune de ces thématiques alimenteront par ailleurs les autres axes du GDR en données fondamentales.

Les 5 axes

— Brèves —

  • Liste Rouge des abeilles sauvages de France métropolitaine : appel aux données

    C'est la dernière ligne droite pour la collecte des données concernant le projet de Liste Rouge des abeilles sauvages de France métropolitaine. Afin de finaliser ce projet, l'observatoire des abeilles et le MNHN ont besoin de données sur les Apoidea, comprenant les informations suivantes : Espèces, Date, Coordonnées GPS, Collecteur, Identificateur, Fleurs pollinisées (si possible).

    La date limite pour la soumission des données est fixée à la fin de l'année 2024, il vous reste donc un mois pour leur envoyer vos contributions afin qu'elles soient prises en compte pour la Liste Rouge.

    Si vous avez des données à partager ou des questions, n'hésitez pas à contacter Dominique Malécot à l'adresse suivante : observatoiredesabeillesbdd@gmail.com, ou bien Priscan Mahe à : prisca.mahe@mnhn.fr

     

  • Appel à candidatures d’experts pour la constitution du Comité Scientifique et Technique de la stratégie Écophyto 2030
    L’ANSES avec Le MET, l'INRAe et l’OFB lancent maintenant un « Appel à candidatures d’experts pour la constitution du Comité Scientifique et Technique de la stratégie Écophyto 2030 » Pour plus d'informations, vous pouvez consulter le document suivant : https://www.inrae.fr/sites/default/files/cst_ecophyto_appel_a_candidatures_2024.pdf Date limite : 31/10/2024 avant minuit (heure de Paris)
  • Un demi-million de morts par an seraient attribuables au déclin des insectes pollinisateurs
    Des chercheurs de l’université Harvard ont modélisé l’impact du défaut de pollinisation sur la production agricole, les prix et les effets induits sur l’alimentation et la santé. Si les scientifiques chiffrent souvent en dollars les dégradations de l’environnement, leurs effets sanitaires, de fait, sont souvent bien plus difficiles à évaluer. Une équipe pilotée par l’université Harvard (Etats-Unis) s’est attelée à cet exercice délicat, s’agissant des effets de l’effondrement des insectes pollinisateurs. Publiés dans la dernière livraison de la revue Environmental Health Perspectives, en décembre 2022, ses résultats sont frappants : à l’échelle mondiale, l’impact alimentaire du défaut de pollinisation des cultures serait responsable de près d’un demi-million de morts prématurées par an. Un chiffre sans doute en deçà de la réalité, selon les auteurs. Ces derniers ont d’abord évalué, région par région, les effets de la chute des populations de pollinisateurs sauvages (bourdons, syrphes, papillons, etc.) sur la production agricole. « Leurs résultats indiquent que de 3 % à 5 % de la production de fruits, légumes et fruits à coque sont perdus en raison d’une pollinisation insuffisante », décrypte Josef Settele (Helmholtz Centre for Environmental Research de Halle, Allemagne), qui n’a pas participé à ces travaux. Des chiffres « tout à fait plausibles et même plutôt faibles, compte tenu de ce que l’on sait sur l’importance de la pollinisation ». Le chercheur allemand, qui a coprésidé le rapport mondial de la Plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques, salue « une très belle étude, qui intègre de grandes quantités de données dans un modèle transparent ». Les chercheurs ont ensuite modélisé l’effet de cette perte de production sur les prix, pays par pays, et l’effet induit sur la baisse de consommation de fruits et légumes. En utilisant les données les plus consensuelles de l’épidémiologie nutritionnelle, les auteurs sont parvenus à modéliser l’impact de la sous-consommation de ces produits sur la mortalité, et concluent à quelque 427 000 morts par an.

    Impacts inégalement distribués

    Or, comme le précise Matthew Smith (université Harvard), premier auteur de l’étude, les données utilisées pour estimer le défaut de pollinisation ont été collectées, sur les cinq continents, entre 2010 et 2014. « Depuis, la plupart des pressions causant des pertes de pollinisateurs sauvages ont continué ou se sont aggravées au niveau mondial, dit-il. Cela suggère que l’insuffisance de la pollinisation sauvage a aujourd’hui sur le rendement des cultures un effet plus important encore que nous ne l’avons estimé dans nos travaux. » Les impacts sont inégalement distribués. « La perte de production agricole est concentrée dans les pays à faible revenu, dit M. Settele, tandis que les impacts sur la consommation alimentaire et sur la mortalité attribuables à une pollinisation insuffisante sont plus importants dans les pays à revenu moyen et élevé, où les taux de maladies non transmissibles [cancers, maladies cardiovasculaires, etc.] sont plus élevés. » En clair, les auteurs montrent qu’« une part importante du fardeau sanitaire lié à la consommation insuffisante des aliments les plus sains est liée à des dommages que nous infligeons à notre environnement », ajoute M. Settele. Comment arbitrer entre les pertes de rendement par réduction des pesticides et celles qui sont induites par l’effondrement des pollinisateurs ? « L’agriculture conventionnelle a de nombreuses conséquences involontaires sur l’environnement : émissions considérables de gaz à effet de serre, pollution des sols et des cours d’eau, épuisement de ressources limitées comme les minéraux pour les engrais et l’eau douce pour l’irrigation, et c’est le principal facteur de perte de biodiversité au niveau mondial, répond M. Smith. Au contraire, favoriser les pollinisateurs sauvages pour augmenter le rendement des cultures n’a aucun dommage collatéral sur l’environnement. » Stéphane Foucart https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/01/20/un-demi-million-de-morts-par-an-seraient-attribuables-au-declin-des-insectes-pollinisateurs_6158647_3244.html Lien vers article https://doi.org/10.1289/EHP10947  Matthew R. Smith,Nathaniel D. Mueller, Marco Springmann, Timothy B. Sulser, Lucas A. Garibaldi, James Gerber, Keith Wiebe, and Samuel S. Myers 2022 Pollinator Deficits, Food Consumption, and Consequences for Human Health: A Modeling Study. Environmental Health Perspectives Volume 130, Issue 12
  • Prolongation autorisation néonicotinoïdes sur les betteraves
    Vous êtes d'accord avec l'usage des néonicotinoïdes sur les betteraves sucrières ? Vous voulez donner votre avis? Une consultation publique est en cours jusqu’au 24 janvier : https://formulaires.agriculture.gouv.fr/index.php/646927

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